Cher Monsieur Boulet, ministre du Travail
Je suis un travailleur du cimetière Notre-Dame-Des-Neiges et c’est avec tristesse et colère que pendant l’étude de la commission parlementaire du projet de loi 89, je vous ai entendu vous servir de notre interminable conflit de travail pour vous faire du capital politique. C’est honteux et de mauvaise foi de votre part de mentionner une bataille que vous ne connaissez en aucun point.
Laissez-moi vous faire un bref résumé de la situation qui nous a affectés, nous, les employé-es des opérations de ce magnifique site. Notre convention collective venait à échéance le 1er janvier 2018. Malgré les demandes syndicales de commencer les négociations avant cette date, l’employeur a préféré attendre… et attendre… et attendre. Ce n’est que plusieurs mois plus tard qu’une date fut convenue pour s’asseoir et négocier. Malgré le fait que notre employeur nous avait déjà mis en lockout en 2007, notre but a toujours été le même : négocier de bonne foi. Mais comment négocier avec un employeur absent ?
Ce même employeur a pris ses propres employé-es ainsi que clientes et clients en otage. En réduisant ses effectifs sur le terrain et les services offerts, et en multipliant ses moyens de pression, il espérait sûrement pousser ses précieux employé-es à sortir en grève; afin que ceux-ci soient blâmés pour la détérioration de ce lieu historique et plein de mémoire qu’est le cimetière Notre-Dame-Des-Neiges. Mais voilà, nous sommes fiers de notre travail, soucieux de notre clientèle et empathiques avec les familles endeuillées.
Ce n’est que quatre ans plus tard, en janvier 2022, sous les demandes des familles exaspérées par le manque de services, que nous voterons la grève. C’en était trop! Le cimetière était alors dans un état lamentable et l’ambiance toxique. Des gardiens de sécurité ont même été embauchés pour contrôler les accès de colère des clientes et des clients : quatre ans à être embarrassés par les lacunes de notre milieu de travail, et à devoir s’expliquer devant les médias en toute transparence.
Cette grève, M. Boulet, les travailleuses et travailleurs du cimetière l’ont votée pour offrir un environnement digne à une clientèle en deuil. En cours de route, ce choix a permis de faire le ménage de certaines pommes pourries du panier patronal, avec comme finalité une nouvelle direction qui semble vouloir travailler et collaborer de façon positive pour la dignité des personnes décédées.
Votre projet de loi 89, M. Boulet, s’il avait été voté en 2023, n’aurait qu’envenimé notre situation, mais aussi celle de la population en deuil dont les proches viennent chercher le repos chez nous. Cela aurait laissé des cicatrices encore plus profondes qu’elles ne le sont.
Êtes-vous conscient, M. le Ministre, que la plus grande partie des familles que nous servons sont aussi des travailleuses et travailleurs, dont certains des professeur-es, des infirmières ou autres professions syndiquées ? Mon fils est resté à la maison lors de la grève des professeur-es. Merci à elles et à eux de se battre pour garder le métier honorable, et pour que nos jeunes soient instruits par des gens dévoués et intéressés.
Nous voulons, en tant que travailleuses et travailleurs, des conditions qui nous permettent d’effectuer notre travail avec fierté parce que nous nous soucions de servir au mieux notre clientèle et que, comme le reste de la population, nous sommes IMPORTANTS.
En espérant que vous reconsidériez vos valeurs.
Joël Maillé, travailleur en aménagement paysager au cimetière Notre-Dame-des-Neiges et responsable de l’information au syndicat des travailleuses et travailleurs du cimetière Notre-Dame-des-Neiges