De quoi ont-ils peur?
15/09/2025
  • Billet de blogue

Tout récemment, l’éditorialiste en chef de La Presse a publié un brûlot qui critique les dépenses des organisations syndicales pour des combats politiques, reprenant à son compte l’argumentaire rétrograde des jeunes caquistes et du patronat. Nous ne le répéterons jamais assez : il faut passer à l’offensive pour préserver nos droits… dont notre droit à être informés de manière juste et rigoureuse. Ce qui ne veut pas dire que nous devons accepter des prises de position outrancières et mal informées de la part des chroniqueurs et éditorialistes. Le rôle des médias n’est pas de reprendre à leur compte les messages du patronat et de ses laquais.

Le rôle des organisations syndicales est pourtant bien défini dans le Code du travail, à l’article 1 : « un groupement de salariés constitué en syndicat professionnel, union, fraternité ou autrement et ayant pour buts l’étude, la sauvegarde et le développement des intérêts économiques, sociaux et éducatifs de ses membres et particulièrement la négociation et l’application de conventions collectives ».

À la CSN, nous œuvrons au quotidien pour améliorer nos conditions de vie et de travail. Nous luttons sur deux fronts. Le premier, c’est l’application des conventions collectives et la négociation des conditions de travail. Le deuxième front, c’est la lutte politique qui sert à faire avancer nos conditions de vie à toutes et tous.  Ces deux fronts sont la base de notre action syndicale, car nous savons que les travailleuses et travailleurs ne vivent pas dans un silo coupé-es du monde, ce sont aussi des citoyennes et citoyens. Elles et ils font partie de la société québécoise, l’enrichissent et participent à la vie démocratique de notre pays. Même si le gouvernement cherche à les isoler, les 40% de travailleuses et travailleurs québécois syndiqués font partie intégrante de la société.

En 2019, François Legault avait déclaré que « les surplus appartiennent aux Québécois; ils n’appartiennent pas aux groupes de pression, ils n’appartiennent pas aux syndicats. » Comme si les regroupements patronaux, les entreprises privées et les multinationales n’étaient pas de puissants lobbys avec d’énormes moyens. Depuis, on constate une surenchère de déclaration anti-travailleuses et travailleurs un peu partout, y compris dans les grands médias dans des textes qui démontrent un méconnaissance affligeante de notre rôle et des différences entre les organisations syndicales.

La politique de sape et de division de la CAQ a porté fruit jusqu’à maintenant. Nous sommes plongés dans un contexte où nous devons faire face à un grand nombre de lois anti-syndicales voire anti-travailleuses et travailleurs dans les dernières années. Il est de notre devoir de répliquer!  

Vouloir enlever aux organisations syndicales leur rôle politique, c’est mal comprendre le rôle des syndicats, c’est une vision déshumanisante des travailleuses et travailleurs. La présidente de la CSN, Caroline Senneville l’a dit: « les travailleuses et les travailleurs ne sont pas des robots qu’on éteint après leur shift ». Nous ne sommes pas dans la série dystopique Dissociation (Severance dans sa version originale) où une fois sortit de la shop, on oublie tout. Nos conditions de vie et de travail s’entrecroisent et, par le fait même, ne peuvent être dissociées. N’en déplaise à certain-es éditorialistes.

Nous sommes en période de crise. Nous voyons les droits sociaux s’effriter au sud de la frontière et cette tendance est bien implantée chez nous. Le gouvernement a besoin de boucs émissaires pour mettre en place ses politiques rétrogrades. Casser du sucre sur notre dos détourne l’attention de politiques de plus en plus fascisantes qui visent à exclure les personnes immigrantes, les personnes des communautés LGBT+, les femmes et la classe ouvrière du discours public. Pendant ce temps, les broligarques s’enrichissent. Pendant ce temps, le nombre de lock-out augmente, la classe moyenne et les plus pauvres s’appauvrissent, les lois anti-immigrants pleuvent… et les lois qui limitent les droits des travailleuses et travailleurs ont bonne presse.

Alors, de quoi ont-ils peur? De la force que nous avons en tant que travailleuses et travailleurs. Historiquement, nous avons mené de manière solidaire des luttes qui ont permis de grandes avancées sociales, allant de notre droit à l’avortement aux droits des personnes migrantes, en passant par l’équité salariale, la mise sur pied du réseau de CPE ou encore les congés parentaux. Nous savons que ces droits ne sont pas acquis et que la classe politique va tout faire pour les réduire. Le Conseil central du Montréal métropolitain-CSN sait comment répliquer, et nous le ferons pour protéger les droits de toute la classe ouvrière québécoise.

J’en profite pour rappeler que les travailleuses et travailleurs de plusieurs grands médias, dont les journalistes, sont syndiqués. Leurs conventions collectives leur garantissent, notamment, une autonomie professionnelle. Et bien entendu, notre action syndicale va au-delà des conventions collectives puisque nous menons (et avons mené) plusieurs luttes politiques pour assurer l’avenir des médias, notamment face à la gourmandise des GAFAM.

Chantal Ide

Secrétaire générale, CCMM-CSN