Les travailleuses et travailleurs étrangers sont précieux, le savez-vous, M. Legault ? 
17/11/2025
  • Billet de blogue
  • Immigration et relations interculturelles

Les travailleuses et travailleurs étrangers sont précieux, le savez-vous, M. Legault ?

Débordements dans le système de santé, pénurie d’enseignants, manque de places dans les garderies, crise du logement, etc. Pourquoi ces problèmes se manifestent-ils avec plus d’intensité? 

Certains politiciens prétendent que c’est la faute des immigrantes et immigrants : leur nombre aurait dépassé nos capacités d’accueil et nous ferions face à un envahissement. Or, leurs contributions sont plutôt un atout pour le Québec.

L’immigration temporaire comme réponse aux besoins de main-d’œuvre

Fin 2024, on compte 500 000 immigrants titulaires de permis de travail ou d’étude. De ce nombre, 390 000 (78 %) sont des immigrants recrutés à l’étranger, acceptés et approuvés par le gouvernement du Québec. Les 22 % restants sont des demandeurs d’asile qui n’ont pas été directement invités par le Québec, mais à qui le gouvernement a octroyé un permis de travail temporaire.[1]

L’augmentation de l’immigration, le gouvernement du Québec l’a voulue. Il a fait la promotion du recrutement d’étudiants étrangers pour pallier la baisse du financement public des institutions d’enseignement, car ceux-ci paient plus cher leurs frais de scolarité. D’ailleurs, la baisse de la natalité fait qu’il y a moins de jeunes nés au Québec dans le système scolaire. Or, on sait que l’avenir d’une société, sa capacité d’innovation et son développement passent par la formation des compétences des individus qui la composent. Dans ce contexte, accueillir des étudiantes et des étudiants étrangers et les former permet qu’ils s’intègrent et deviennent des membres à part entière de notre société.

De manière plus importante, ce sont les dirigeants d’entreprises qui ont poussé le gouvernement à accepter plus de travailleuses et travailleurs étrangers afin d’éviter la stagnation économique [2]. Depuis des années, on sait que la population du Québec vieillit. En 2024, pour la première fois, le nombre de décès a été plus élevé que le nombre de naissances. Alors, on manque de main-d’œuvre un peu partout, et ce, autant dans les secteurs privés que publics. Chaque jour, on peut entendre les dirigeants d’entreprises dire que leurs entreprises seront gravement affectées par la perte de leurs travailleuses et travailleurs qui ne peuvent obtenir la résidence au Québec et qui doivent retourner dans leur pays.

Les travailleuses et travailleurs étrangers travaillent fort. D’ailleurs, plusieurs ont deux emplois. Ils paient des impôts, achètent des biens et services dans les commerces locaux, paient des taxes sur tous les biens qu’ils consomment, cotisent à l’assurance chômage et paient leur loyer. Ils ne constituent pas une charge. Ils contribuent au développement de notre économie et à la prestation de nos services publics, et ils font bien plus que cela, mais on ne le reconnaît pas.

Les boucs émissaires d’une mauvaise gestion des besoins sociaux

Francois Legault dit maintenant que ces personnes représentent une charge insoutenable pour les capacités d’accueil du Québec[3]. Or, il devrait reconnaître ceux qui sont déjà présents sur le territoire et prendre des mesures en conséquence en s’attaquant aux causes véritables des problèmes dans nos systèmes de santé et d’éducation ainsi que du manque de logements accessibles.

Les personnes immigrantes deviennent les boucs émissaires du manque de planification et d’investissement en santé, en éducation, et aussi en logement. Si l’on fait venir des travailleuses et travailleurs parce qu’on en a besoin, il serait logique de considérer les services de santé, les places dans les écoles et dans les services éducatifs ainsi que dans les cours de francisation nécessaires à leurs présences et à leur participation active à notre société. 

Il y a 500 000 immigrantes et immigrants temporaires au Québec : ils veulent faire leur vie ici! Nous avons les moyens de les aider à s’établir et à les garder parmi nous, plutôt que de développer des préjugés xénophobes stériles.

Miser sur la résidence permanente

Les gouvernements de Québec et d’Ottawa ont initialement mis sur pied le programme pour faire venir de l’étranger des travailleuses et travailleurs temporaires pour répondre aux besoins saisonniers des agriculteurs qui ne trouvaient pas suffisamment de main-d’œuvre, notamment pour les récoltes. Depuis quelques années, des entrepreneurs dans divers domaines d’activités ont demandé de pouvoir bénéficier de ce programme pour embaucher des travailleuses et travailleurs étrangers temporaires. Le gouvernement fédéral a alors élargi ce programme à tous les secteurs d’activité et a accepté que le Québec en soit co-responsable. 

Les employeurs doivent obtenir une approbation du gouvernement du Québec en lien avec l’étude d’impact sur le marché du travail pour recourir à ce programme qui leur permet d’employer des travailleuses et travailleurs détenteurs d’un permis de travail « fermé ». Le permis de travail, qui est le certificat d’acceptation du Québec remis au travailleur temporaire, doit lui aussi être autorisé par le gouvernement du Québec.

Ce permis de travail temporaire « fermé » autorise le travailleur étranger à travailler, mais uniquement pour un seul employeur. Cette obligation a mené à de nombreux abus. Des travailleuses et travailleurs ont été contraints d’accepter des conditions de travail et de vie inhumaines et des salaires moins élevés que le salaire minimum, sous menace de perdre leur permis de travail et d’être forcés de retourner dans leur pays. La main-d’œuvre immigrante temporaire est vulnérable à l’exploitation parce qu’elle ne connaît pas ses droits, craint de se défendre et n’a pas toujours accès aux réseaux d’aides existants. Le rapporteur spécial des Nations Unies a déclaré en 2024 que ce programme des travailleuses et travailleurs étrangers temporaires sert de terreau aux formes contemporaines d’esclavage.

Un autre problème majeur est qu’on accorde des permis de travail temporaires pour des emplois permanents. Des travailleuses et travailleurs appréciés par leur employeur et bien intégrés dans la société perdent leur permis de travail et doivent quitter le Québec pour être remplacés par de nouvelles personnes. Ce système est inefficace et discriminatoire, car il crée de l’insécurité et brise des vies. Le Conseil central du Montréal métropolitain–CSN et l’ensemble du mouvement CSN réclament des permis ouverts pour les travailleuses et travailleurs étrangers, qui leur permettraient d’obtenir leur résidence permanente au Québec.

Depuis de nombreuses années, les centrales syndicales, de concert avec de nombreux groupes communautaire et de la société civile, préconisent la résidence permanente plutôt que la précarité associée à la résidence temporaire. À long terme, c’est l’immigration permanente qui motive l’apprentissage du français et permet de soutenir la démographie, le marché du travail et la prestation de services.

Un apport considérable

Rappelons que les travailleuses et travailleurs étrangers contribuent au bien-être de notre population. Ils occupent de nombreuses fonctions, notamment dans le secteur des soins aux Québécoises et aux Québécois. Pendant la pandémie, on les a appelés des « anges gardiens ». Aujourd’hui encore, elles et ils sont essentiels dans les CHSLD, les RPA, dans le soutien à domicile aux personnes âgées ou avec handicap, mais aussi dans les services de garde, le soutien scolaire, etc.

Les travailleuses et travailleurs étrangers nous apportent des éléments de la culture de leur pays d’origine : de nouveaux goûts, de nouveaux points de vue qui se mêlent à notre culture et notre quotidien s’en trouvent enrichi. On n’a qu’à penser aux apports culinaires, musicaux, culturels, aux actrices et acteurs, aux humoristes, aux autrices et auteurs réfugiés chez nous qui font maintenant partie de notre société. Ils enrichissent notre culture, et ce, depuis des centaines d’années.

Pour un avenir meilleur

La politique actuelle de l’immigration au Canada oblige déjà des travailleuses et travailleurs qui occupent un emploi et dont les enfants fréquentent l’école en français à quitter le Québec. Certains politiciens préconisent même des politiques encore plus dures. Les personnes migrantes sont venues au Québec pour construire un avenir meilleur, pour elles et pour leurs enfants. Il n’en tient qu’à nous de mettre en place les mécanismes pour mieux les intégrer. Expulser des familles qui travaillent fort, des enfants qui se sont fait des ami-es, des jeunes qui ont des espoirs, ce n’est pas humain. On voit ici et ailleurs des politiciens bâtir leur popularité sur la peur de l’étranger, semant la division et la haine. Que récolteront-ils ? On ne veut pas cela. Nous, notre pays, celui qu’on aime, celui qu’on veut construire, c’est celui que chante Gilles Vigneault:

Je mets mon temps et mon espace

À préparer le feu, la place,

Pour les humains de l’horizon.

Et les humains sont de ma race

Ramatoulaye Diallo,

Trésorière et responsable politique du dossier immigration et relations interculturelles du Conseil central du Montréal métropolitain – CSN


[1] MIFI, Direction de la statistique et de l’information de gestion, décembre 2024

[2] https://www.journaldemontreal.com/2025/10/28/crise-des-travailleurs-etrangers-temporaires-plus-de-250-m-de-dollars-de-contrats-menaces

[3] François Legault, lettre au premier ministre du Canada, 18 janvier 2024, Journal le Droit; Paul Saint-Pierre Plamondon, 16 janvier 2024, Journal de Montréal